Les Français sont pessimistes. Le grand prix annuel du pays le plus négatif sur l'avenir est décroché chaque année, depuis 2010, par la France, alors taxée de pays aux idées sombres et au défaitisme assumé, voire revendiqué. Si la France n'est pas le pays dans lequel les gens se sentent le mieux, en tout cas c'est le pays dans lequel ils vivront le plus longtemps. A en croire une étude allemande, le pessimisme est un remède contre la mort…
Cette étude est menée par un laboratoire de psychologie en Allemagne depuis 1984, soit près de 30 ans. Le nombre de participants est tout aussi colossal puisqu'ils sont environ 30 000 cobayes. Les résultats défient la plupart des idées reçues et s'articulent sur plusieurs charnières. Les participants ont renseigné leur âge et leur condition socioprofessionnelle (métier, salaire…) ainsi que leur état de santé, leur satisfaction de la vie au moment T et leurs attentes du futur sur 5 ans. Enfin, pour clore l'expérience et commencer l'analyse, un check up cinq ans plus tard comparait l'évolution de ces 3 facteurs. Ce petit schéma a donc été répété sur 1 000 personnes pendant 30 ans.
Plus vous vieillissez et plus vous devenez pessimiste
La tranche des 18-39 ans est celle qui, des étoiles plein les yeux, est la plus optimiste : c'est durant cette période que l'on découvre généralement l'indépendance, l'autonomie, le premier salaire et appartement, la vie de couple puis de famille, et toutes les étapes vers l'accomplissement de l'Homme. Tout va pour le mieux et chaque problème est insignifiant, la vie se construit.
Ensuite, la tranche des 40-64 ans, durant laquelle vous faites un premier vrai bilan. C'est généralement à cet âge que le plus de divorces s'effectuent : selon l'Insee, la femme dans la situation de divorce avec consentement mutuel "est alors âgée de 40,4 ans en moyenne et l'homme de 42,9 ans". Avant, c'est la jeunesse, le travail jour et nuit, à partir de 40 ans il s'agit de se poser et de profiter. Ce bilan induit une rétrospection. En effet, entre 40 ans et 65, on parle de "force de l'âge", marquée par l'avènement de la carrière, rythmée par le départ des enfants, et une routine qui s'installe. Cette étape de la vie marque le réalisme. Par conséquent les rêves et projets sont abandonnés en faveur du regard dans le rétroviseur, dirigé droit sur ses accomplissements personnels. De cette situation découle une analyse froide du futur, souvent bonne car réaliste.
Enfin, les 65 ans et plus sont la tranche la plus pessimiste. En effet, la fin du travail, la perte d'autonomie, de mémoire, de force, les maladies qui s'attaquent à l'organisme, les allers-retours fréquents à l'hôpital, les enfants et petits-enfants qui vous oublient. Aussi, quand votre propre corps devient votre prison, la vie toute entière est insupportable. Et avec les différentes diminutions dont les 65 ans et plus sont les cibles, cela arrive vite. Ce n'est plus un âge pour commencer une carrière, fonder une famille, ou démarrer quoi que ce soit, selon 43 % d'entre eux. Ainsi, sans perspectives d'avenir, et le bilan étant terminé, il n'y a désormais plus rien à faire.
Les scientifiques notent pourtant que plus l'on vieilli et meilleure santé
Le niveau de santé aurait une corrélation avec l'état d'esprit. En effet, une autre étude avait déjà prouvé que l'optimiste soignait en grande partie de nombreux maux de l'organisme, provoqués par une vision sombre de la vie amenant à une certaine forme de dépression. Or, le pessimisme n'a rien a voire avec la dépression. Il s'agit simplement d'une vision plus édulcorée du futur.
Près de la moitié des 65 ans et plus étaient trop pessimistes quant à leur avenir. Au contraire, 32 % étaient trop optimistes et le reste (25 % soit 1 sur 4) était assez réaliste. Les 32 % optimistes sont ceux dont l'état de santé est le plus critique, avec 10 % de risque de mortalité supplémentaires par rapport aux pessimistes. En effet, les pessimistes, étant par nature certains du pire, développent un 6e sens de prudence et de méfiance de la vie. A la différence du défaitiste, persuadé de rater donc ne commençant rien, les pessimistes commencent différents travaux et les orientent en prévoyant la pire issue.
Aussi, leur santé est bien meilleure que celle des optimistes, leur vie professionnelle est supérieure au niveau annoncé 5 ans auparavant, et leurs prévisions quant à la qualité générale de leur vie se sont évidemment révélées erronées. D'une part parce que leur vision première était négative, ensuite parce que leurs prévisions étaient modérées, et enfin parce que médicalement, ils sont plus attentifs. Enfin, l'étude montre que plus la situation de départ est bonne ou le salaire élevé, et plus l'on est pessimiste. Certainement parce que les possibilités d'amélioration sont faibles, voire inexistantes.
Cela dit, vaut-il vraiment mieux vivre plus longtemps en étant triste ? Tentez l'expérience avec notre sélection des meilleurs films dramatiques et n'hésitez plus à râler.
Source : étude sur le pessimisme ; INSEE