À l’heure où des centaines de milliers de substances polluantes émises par les activités humaines atterrissent dans les eaux, il est plus que jamais essentiel d’en contrôler la qualité. Un directeur de recherche basé à la station marine d’Arcachon a mis au point, pour ce faire, une technologie de biomonitoring innovant.
En connectant les mollusques à internet avec des biocapteurs, un chercheur du CNRS est capable de mesurer la pollution de l’eau avec précision. Décryptage.
La valvométrie, un procédé non invasif
Tandis que certains chercheurs explorent les eaux de mer à la quête de découvertes inédites, telle que la gigantesque colonie de bébés poissons en Antarctique, d’autres en surveillent la qualité. Jean-Charles Massabuau, directeur de recherche au CNRS et à la station marine d’Arcachon, fait partie de ces derniers. Le fondateur de la start-up molluSCAN-eye est l’heureux créateur d’une technologie innovante basée sur la valvométrie. Si cette technique qui utilise des biocapteurs existe depuis les années 1960, l'écotoxicologie en a développé une version améliorée, dite HFNI ou Haute Fréquence Non Invasive. C’est ainsi que le chercheur a entrepris l’initiative de étudier et surveiller le comportement des mollusques bivalves dans l’eau. En effet, la respiration de ces animaux, caractérisée par des ouvertures et des fermetures régulières de leur coquille, reflète la qualité de leur environnement.
Recueillir des données avec des huîtres connectées
Tout comme le réchauffement climatique a un impact important sur notre santé mentale, la pollution des eaux affecte le bien-être des animaux qui y résident. En étudiant la respiration des mollusques bivalves, comme les moules ou les huitres, Jean-Charles Massabuau a réalisé les perturbations que la présence de polluants dans l’eau pouvait engendrer au niveau de la respiration de ces mollusques. De là découle l’idée d’observer le comportement de ces animaux pour se faire une idée de la qualité de l’eau. La technologie de valvométrie HFNI développée par le chercheur s’appuie sur l’application de deux microélectrodes aimantées sur les deux valves de l’animal. Les mouvements des bivalves n’en sont pas perturbés. Un câble électrique relie ces biocapteurs à une carte électronique qui est à son tour connectée à un autre boîtier doté d’un modem internet à la surface. Les mesures effectuées sont ainsi directement transmises par mail, de façon journalière, sur l’ordinateur du directeur de recherche.
Une corrélation entre respiration des bivalves et pollution de l’eau
La technique de biomonitoring développée par l’équipe de Jean-Charles Massabuau à la station marine d’Arcachon suit de près le comportement des bivalves connectés. Dans un site, chaque groupe de surveillance est composé de 16 animaux dont les paramètres physiologiques, de la respiration au déplacement, sont quotidiennement décryptés. Si une perturbation est observée chez l’un des mollusques et que le même comportement est retrouvé chez 50% du groupe suivi, cela indique potentiellement une pollution silencieuse. Cette mesure de la qualité de l’eau fondée sur le biomimétisme, un accélérateur écologique, a déjà été déployée partout dans le monde. Une start-up a été créée pour mieux diffuser la technique à grande échelle.