La mort est un concept terrifiant du point de vue de l’Homme. Sa soudaine survenue n’a ainsi rien de joyeux et s’assimile à un triste événement, à une perte tragique. Depuis l’aube de la civilisation humaine, il est coutume d’annoncer publiquement le décès d’un proche aimé à travers la rédaction d’un faire-part.
Postés dans la rubrique nécrologique de la presse, les avis de décès se veulent porteurs d’un message sombre. Néanmoins, tout le monde ne les voit pas forcément de cet œil. L’existence même du concept d’obituarophilie en est la preuve. Tour d’horizon.
Être obituarophile : une passion pour l’art littéraire des faire-part
Il est dit qu’il faut de tout pour faire un monde, et chaque personne cultive une passion qui lui est propre. S’il est plus courant de rencontrer des philatélistes chez les Français qui adorent collectionner, les adeptes de l’obituarophilie ne sont pas peu nombreux pour autant. Ce terme désigne un groupe de personnes qui ont une passion pour la collection de faire-part publiés dans la presse ! Là où les philatélistes collectent les timbres en quantité, les obituarophiles trouvent un malin plaisir à découper des rectangles d’annonces mortuaires dans le papier journal. Si cette activité peut paraître choquante, étrange, voire farfelue, elle n’a en réalité rien d’une moquerie ni d’une profanation. L’un de ces quelques millions d’adeptes, Denis Cosnard, journaliste au “Monde”, s’est donné pour mission d’en rapporter le contexte dans son ouvrage L’annonce de ma mort est très exagérée.
Une invitation, un résumé de la vie du défunt en quelques mots
Le journaliste Denis Cosnard associe l’attrait pour les faire-part à une passion littéraire comme une autre. Par le choix des mots, du style d’écriture, l’invitation à l’ultime rendez-vous qu’est l’inhumation du défunt est, en elle-même, un genre littéraire à part entière. En quelques lignes, le faire-part décrit l’être qui a succombé, la vie qu’il a mené, le genre de personne qu’il a été, de manière originale. Certains choisissent des termes forts, inspirants, pour présenter le défunt aux lecteurs et leur donner ainsi une image extraordinaire de cette personne. Les obituarophiles s’imprègnent de ce sentiment et apprécient la beauté littéraire subtile que cachent les quelques lignes évocatrices des faire-part de décès. Les faire-part de naissance, d’un autre côté, sont une tout autre histoire qui ne les concerne pas.
Des faire-part qui sortent du lot
Denis Cosnard, obituarophile invétéré et érudit, conte dans son livre différents genres de faire-part de décès qu’il a eu la chance de découvrir. Le journaliste décrit le faire-part comme étant un moyen original et inattendu de véhiculer un message à but politique ou personnel. Comme tout autre genre littéraire, cette petite annonce de presse, qui paraît désormais moins sombre qu’à l’origine, laisse libre cours à l’imagination de ceux qui la rédigent. En effet, tant qu’à rédiger les dernières lignes d’une vie qui touche à sa fin, autant procéder avec originalité et laisser une forte impression auprès des lecteurs. L’obituarophilie est l’art de percevoir cette créativité littéraire entre les lignes des faire-part, sans pour autant les placer au rang des grands chefs d’œuvres signés Van Gogh ou Monet.