Petite histoire du film de zombies
Dans le cinéma, le revenant occupe très tôt une place importante, avec notamment le film Vaudou (I walked with a zombie, 1943), signé Jacques Tourneur. Si le mort-vivant symbolise d'abord, au même titre que le vampire, l'angoisse de la mort et la culpabilité de l'homme, Georges A. Romero lui confère quelques années plus tard une tonalité tout autre. Aliéné par la société où il se trouve relégué au rang de simple engrenage d'une machine arbitraire, l'être humain y évolue comme un zombie. Les règles auxquelles il doit se soumettre, les publicités auxquelles il est sans cesse confronté, lui font perdre toute once de libre arbitre. Dans ce monde sans âme où les hommes doivent se dévorer les uns les autres pour survivre, il lui faut retrouver la cohésion et l'humanité qui lui faisaient jusqu'alors défaut.
Cette fois-ci attaqués par des hordes de morts-vivants, les dernières personnes non contaminées vont devoir s'unir et oublier leurs différences pour s'en sortir. Tout au long des cinquante dernières années, les films de zombies n'auront eu de cesse, dans un balancier constant, de mettre en scène tantôt le triste constat d'une société amorphe et apathique, tantôt l'ingérence des politiques publiques dans leur gestion des enjeux sociaux (intégration, chômage, égalité, etc.). Pour ce faire, l'horreur passe aussi bien par la comédie, le drame que le thriller. De Vaudou à Zombieland en passant par Evil Dead, voici notre sélection des films de zombies incontournables.
Vaudou, de Jacques Tourneur
Une jeune infirmière est invitée à remplacer une aide soignante sur une île proche d'Haïti, au chevet d'une femme qui ne parle plus depuis un mystérieux accident. La nuit, cette dernière s'avance comme une somnambule dans le noir. Ce corps qui se meut sans vie n'est autre qu'un zombie…
Deux ans après le succès remporté par son film fantastique La Féline, Jacques Tourneur réalise avec le même producteur une seconde œuvre fauchée qui se révèle une nouvelle fois un concentré d'inventivité. Les acteurs transpirants, le clair-obscur, la musique, tout contribue à façonner une atmosphère étrange et effrayante. Même lorsqu'elle n'est pas frontale, l'horreur et la torpeur suinte de chacun des plans. Rares sont les moments de répit dans ce cauchemar éveillé. Comme dans La Féline et dans L'Homme-Léopard, Jacques Tourneur utilise le fantastique pour sonder l'âme humaine et mieux mettre en scène nos angoisses les plus profondes. Du très grand cinéma.
Zombie, de Georges A. Romero
États-Unis, fin des années 1970. D'un bout à l'autre du pays, c'est le chaos le plus total. La panique s'empare petit à petit de la population. Sur un plateau de télévision, un représentant du gouvernement tente vainement de justifier les décisions récemment mises en application pour contrecarrer l'attaque des zombies. Après avoir terminé son travail, Fran, une jeune journaliste, rejoint son fiancé, un pilote d'hélicoptère. Le couple prend bientôt à son bord deux membres des forces spéciales d'intervention. Ces derniers viennent de prendre part à un assaut sanglant dans un immeuble dans lequel les habitants refusaient de livrer leurs morts, sur le point de se transformer en zombie. Après avoir survolé des étendues désertes et des hordes de zombies, le groupe décide de se réfugier dans un centre commercial…
Dix après l'onde de choc provoquée par la sortie de La Nuit des morts vivants, Georges A. Romero utilise de nouveau la métaphore des zombies pour dresser un portrait sulfureux de la société contemporaine. Néanmoins, plus question pour cette fois de souligner la contestation des laissés pour compte mais de pointer du doigt la classe moyenne se complaisant inconsciemment dans le culte de la société de consommation. Pour Georges Romero, les américains reproduisent en effet jusqu'à l'intérieur de leurs foyers la logique capitaliste de la société industrielle. D'où le choix d'un centre commercial pour mettre en scène l'intrigue. Ainsi, Zombie réédite le portrait esquissé quatre années plus tôt par Tobe Hooper et son Massacre à la tronçonneuse. Dans ce dernier, une famille d'ouvriers travaillant dans un abattoir perpétuait, même après la fermeture de l'entreprise, le travail à la chaine sur des êtres humains. Dans la même optique, les morts vivants dans Zombie ne sont jamais rassasiés et ne parviennent pas à exorciser leurs désirs. Comme nous, il leur faut sans cesse un nouvel exutoire matériel pour assouvir leurs passions. Au-delà de cette dimension théorique très nette, les zombies de Romero, avec leurs maquillages purulents et leurs regards hagards, sont plus vrais que nature. Souvent considéré comme l'opus le plus réussi de la saga des zombies de Romero, Zombie est un concentré d'horreur dans sa forme la plus brutale. Avec ses effets gores signés Tom Savini, son scénario bien ficelé et ses scènes d'action trépidantes, Zombie est incontestablement un incontournable du genre. À noter la présence (non créditée) au scénario du maître du giallo Dario Argento (par ailleurs producteur du film), sans oublier le groupe fétiche qui signa la plupart des bandes originales de ses films : les Goblin.
À partir de 16 ans.
Le Jour des morts vivants, de Georges A. Romero
Floride, États-Unis. Quelque temps après la propagation d'un virus transformant les êtres humains en zombie, le monde est désormais dominé par les morts-vivants. Seul un groupe d'humains, parmi lesquels des scientifiques et des militaires, parvient à survivre caché dans un silo à missiles. Bientôt à cours de vivres, les membres vont devoir choisir entre la fuite ou la tentative de contrôle des zombies.
Troisième volet de la saga des morts vivants de Georges A. Romero, Le Jour des morts vivants perpétue, sous couvert d'horreur et de fantastique, la parabole politique critique sur l'Amérique initiée en 1968 avec La Nuit des morts vivants. Inconsciemment, le réalisateur met ainsi en scène à la fin de chaque décennie le portrait de la société américaine au travers un film de zombies. Pour lui, le zombie symbolise pour l'Amérique le retour du refoulé, la mise en avant de toutes ces choses indicibles, enterrées pour éviter qu'elles ne remontent à la surface. En témoignent ces nombreux plans où les zombies apparaissent côte à côte avec des détritus ou encore avec un crocodile (cf. légende urbaine du crocodile que l'on jette dans les toilettes). Georges A. Romero connait bien l'Amérique et sait que le pays n'a cessé tout au long de son histoire de nier la contestation sous-jacente. Le Jour des morts vivants frappe d'une part par sa radicalité et sa violence, mais aussi parce qu'il met en scène la vague sociale qui continue à secouer le pays jusque dans les années 1980, en pleine Guerre Froide. Créatures inanimées, vides, les zombies illustrent le besoin de changement. Alors que Zombie (Dawn of the Dead, 1978) pointait du doigt la société de consommation américaine, Le Jour des morts vivants tance l'ère Reagan qui ne cesse d'écarteler les plus pauvres. Avec ses maquillages incroyables et son atmosphère apocalyptique, ce long métrage injustement oublié fait partie des chefs d'œuvre du genre.
Dans le même genre et du même réalisateur : La nuit des morts vivants, de Georges A. Romero, 1968
À partir de 16 ans.
Evil Dead II, de Sam Raimi
Non loin d'une petite ville des États-Unis, Ash, un jeune homme aventureux, emmène sa petite copine et des amis pour quelques jours dans une cabane en plein milieu de la forêt. Là-bas, il découvre un grimoire étrange qui n'est autre que le livre des morts ainsi que le magnétophone du professeur Knowby, propriétaire des lieux. Après avoir lu quelques pages du livre, le groupe est pourchassé par des revenants…
Remake d'un des propres films du cinéaste Sam Raimi (Evil Dead, 1981), Evil Dead II est un pur concentré d'horreur et de comédie regorgeant d'idées plus loufoques les unes que les autres. Dans ce long métrage culte, tout a été pensé pour faire se côtoyer la peur et l'hilarité. Ultra référencé (on trouve de nombreux clins d'œil aux grands classiques de l'horreur des années 1950, 1960 et 1970), Evil Dead II fait l'effet d'un épisode de Tex Avery gore et irrévérencieux. L'acteur Bruce Campbell, qui collaborera à de nombreuses reprises avec le réalisateur Sam Raimi (cf. apparitions multiples dans la saga Spideman, etc.), doit subir les attaques les plus épouvantables. Souvent filmé en gros plan, son visage est l'un des principaux matériaux du film. Sa panoplie d'expressions semble inépuisable. Peur, tristesse, hystérie, folie, joie, hilarité, colère, amour, son répertoire donne le ton de chaque séquence. Alors qu'Evil Dead II aurait pu facilement tomber dans la grossièreté et proposer par manque de recul une atmosphère horrifique sans aspérité, le décalage incessant prend le spectateur par surprise et les séquences prennent souvent une tournure inattendue. Dans une même scène, il n'est ainsi pas rare de passer de la crise de rire à l'effroi le plus total en l'espace de quelques plans. Pour en arriver là, Sam Raimi balance des séquences plus rythmées les unes que les autres. Véritable laboratoire, la réalisation fourmille d'idées novatrices. Pour mettre en scène les poursuites, Sam Raimi a notamment eu l'idée de fixer une caméra sur l'avant d'une moto tout-terrain. La dynamique des plans s'en retrouve considérablement améliorée. Quant aux morts-vivants, leurs maquillages sont géniaux et dégoutants à souhait. On ne compte plus les séquences cultes de ce chef d'œuvre de la parodie horrifique.
Dans le même genre et du même réalisateur : Within the Woods, 1978 ; Evil Dead, 1981 ; Evil Dead III
À partir de 12 ans.
Braindead, de Peter Jackson
Sumatra, années 1990. Une expédition de braconniers vient de capturer des animaux exotiques, parmi lesquels un singe-rat étrange. L'équipée prend le chemin du retour, bien décidée à vendre ses prises à un zoo aux États-Unis. Alors qu'ils s'avancent dans la jungle, le singe tranche soudainement le bras d'un des porteurs. Un peu plus tard, dans une ville paisible des États-Unis, Lionel, un jeune célibataire timide, passe ses journées à aider sa grand-mère tyrannique, avec laquelle il vit dans une vaste maison victorienne. Alors qu'il est chargé par cette dernière de faire quelques courses, il tombe sous le charme de Paquita, une jeune vendeuse hispanique. Ils décident finalement de se rendre ensemble au zoo. Mais la grand-mère de Lionel les suit à la trace et traque leurs moindres faits et gestes. Tandis qu'elle se cache pour les observer, elle se fait mordre par le singe-rat de l'île de Sumatra…
Déluge de gags horrifiques plus hilarants les uns que les autres, Braindead est un des films les plus gores (sinon le plus) de l'histoire du cinéma. Inutile de réfléchir ou de tenter d'identifier les tenants et aboutissants de ce long métrage, il n'y a finalement pas grand chose à comprendre. Laissez-vous donc bercer par les effluves d'hémoglobine qui se répandent à chaque plan. À noter que certaines séquences ont nécessité des hectolitres de faux sang. Mention spéciale pour la séquence finale, véritable ballet où s'avance une tondeuse à gazon à la verticale. Difficile aujourd'hui de croire qu'il s'agit bien du même réalisateur qui signa quelques années plus tard les sagas Le Seigneur des Anneaux et Bilbo le Hobbit… À noter que Braindead remporta en 1993 le Grand Prix du Festival du film fantastique d'Avoriaz.
Dans le même genre et du même réalisateur : Bad Taste, 1988
Le Territoire des morts, de Georges A. Romero
Pour survivre dans un monde infesté de zombies et dont la population ne cesse d'augmenter, les derniers rescapés ont créé une ville entièrement fermée dont les issues sont gardées par l'armée. À l'intérieur de celle-ci, la division du monde n'a jamais été aussi frappante : les pauvres vivent en reclus dans des bidonvilles malfamés tandis que les plus riches profitent d'appartements de luxe ultra sécurisés et haut-perchés rappelant furieusement le centre d'affaires de Manhattan. Au dernier étage du plus haut building de la ville, vit un riche magnat, qui tient la cité dans sa main grâce à l'argent. Chaque nuit, ce dictateur en puissance embauche des mercenaires qu'il charge d'aller lui chercher en dehors de la ville des denrées rares comme de l'alcool ou des cigares. Pour faire diversion et ainsi éviter l'assaut des zombies, un de leurs véhicules est chargé de projeter un feu d'artifice de façon à occuper les morts vivants. Mais cette nuit-là, l'un d'entre eux semble faire preuve d'un détachement inaccoutumé, allant même jusqu'à s'emparer d'une arme…
Dernier volet officiel de la saga des morts vivants réalisé par Georges A. Romero, Le Territoire des morts dresse un bilan alarmiste de la société dans laquelle nous évoluons, et ce plus particulièrement de la société post World Trade Center. Pour Georges Romero, l'Amérique est traumatisée par les attentats du 11 septembre, ce qui a poussé le gouvernement américain à déclarer la guerre au tout venant pour exorciser ses angoisses. Mais cette dernière, vexée de voir son impérialisme ébréché, a oublié que le danger pour elle-même ne venait pas forcément de l'extérieur mais de l'intérieur. Ainsi, cette ville cloisonnée où sont reproduites les affres d'un capitalisme exacerbé, illustre dans Le Territoire des morts la frustration d'une classe moyenne et d'une classe populaire délaissées. Encore une fois, Romero semble vouloir souligner les démons d'une société où les valeurs humaines ne sont plus que l'ombre d'elles-mêmes. Sous couvert d'un scénario mettant en scène des zombies, le cinéaste décortique une société qui ne trouve plus de refuge que dans la paranoïa. Abandonnés à leur triste sort, les zombies, qui vont au fil de l'intrigue s'organiser pour établir une véritable révolution, symbolisent en quelque sorte la population qui prend conscience des déséquilibres et des injustices qui gangrènent notre monde. Avec ses séquences gores à souhait jubilatoires, Le Territoire des morts clôt la saga de Romero de la plus belle des manières. À noter la présence au casting d'Asia Argento, fille du pape du giallo et ami de Romero, Dario Argento.
Dans le même genre : 28 jours plus tard, de Danny Boyle, 2002
L'Armée des morts, de Zack Snyder
Après une journée de travail éprouvante, Ana s'assoupit chez elle avec son compagnon. Le lendemain matin, la fille des voisins, atrocement mutilée, s'introduit dans leur chambre et mord grièvement son ami au cou. Celui-ci se transforme presque immédiatement en zombie. Ana parvient à s'enfuir à bord d'une voiture. Dehors, c'est l'anarchie la plus totale. Au loin, une station service explose. Après un accident, Ana fait bientôt la rencontre de Kenneth, un policier. Avec un groupe de personnes rencontré sur leur chemin, ils se réfugient dans un centre commercial…
Remake du film culte de Georges Romero Zombie, L'Armée des morts est un premier film plus qu'honnête signé par le réalisateur Zack Snyder. Ne reprenant finalement que la trame du film original du maître du film de zombies, Snyder prend ses distances dans le déroulement des différentes séquences. Laissant de côté la dimension "bricolage" de l'œuvre de Romero, il utilise entre autres de nombreux effets numériques. Ainsi, les différents maquillages sont complétés par des images de synthèse, tout comme les hordes de zombies. Le découpage est ici plus net mais paradoxalement plus froid et insipide. Plus stéréotypés mais néanmoins attachants, les personnages peinent à donner vie à l'histoire. Si le centre commercial apparait, au même titre que dans l'œuvre de Romero, comme un énorme monstre prêt à tous nous engloutir, les effets utilisés pour le mettre en scène appauvrissent quant à eux le discours critique de l'ensemble. En voulant rendre les zombies plus effrayants et plus nombreux, en voulant trop en faire, Snyder perd de vue l'objectif premier du film de Romero : la critique sociale. Ainsi, une plastique normalisée et une débauche de moyens ne permettent pas toujours de masquer un certain manque de profondeur. Toutefois, si l'on analyse ce long métrage indépendamment du film original de Georges Romero, force est de constater que l'ensemble tient largement la route et possède de nombreuses séquences cultes. L'atmosphère est par ailleurs assez finement composée et la peur ne nous quitte pas d'une semelle. Mention spéciale pour la séquence d'introduction et la séquence finale.
Fido, d'Andrew Currie
Années 1950. Après une guerre sans merci contre les zombies, les humains sont enfin parvenus à les apprivoiser en leur mettant un collier. Charmée à l'idée de posséder son propre zombie comme sa voisine, Madame Robinson parvient à convaincre son mari, pourtant réticent, à en faire l'acquisition. Bientôt, leur enfant Timmy se prend d'affection pour lui et le surnomme Fido.
Couronné au Festival International du film fantastique Fantastic'Arts de Gerardmer en 2007 par le prix spécial du jury, Fido n'est pas un film de zombies comme les autres. Drôle, celui-ci reprend en quelques sortes la dernière partie du scénario du film de zombie britannique Shaun of the Dead (réalisé par Edgar Wright en 2004), où les morts-vivants finissaient enchaînés, réduits à l'état d'esclaves. Mais il serait réducteur de le limiter à cette simple comparaison. S'il fait indéniablement preuve de moins de radicalité que son ainé, il va néanmoins plus loin sur le fond. Hautement corrosive, cette comédie s'attaque en effet à toutes les formes de ségrégation et d'exclusion. En sus d'une certaine élégance dans la forme, Fido fait office de satire politique où rien ni personne n'est épargné. En découle un pamphlet mordant haut en couleur contre l'exploitation des minorités. Même si l'on regrettera le manque de consistance de la réalisation, ce long métrage est suffisamment original et bien traité pour rejoindre les meilleurs films de zombie. Voilà un bien bel héritage de George A. Romero et une brillante dénonciation des inégalités.
[REC], de Paco Plaza & Jaume Balaguero
À Barcelone, Angela, une journaliste espagnole et son caméraman Pablo, réalisent un reportage vidéo sur une équipe de sapeurs pompiers pour l'émission Pendant que vous dormez. Bientôt, ces derniers sont appelés pour une mission de routine dans un immeuble du centre de la ville. Dans le hall du bâtiment, deux policiers sont déjà sur place. Terrifiés, des voisins disent avoir entendu des hurlements provenant de l'appartement d'une vielle dame. Les pompiers et les policiers pénètrent chez elle. Mais brusquement, la vielle femme saute à la gorge d'un des policiers et le blesse grièvement. Tandis qu'ils tentent de quitter les lieux pour sauver le policier blessé, ils s'aperçoivent que les autorités les ont inexplicablement mis en quarantaine…
Reprenant le procédé de caméra embarquée qui a fait le succès de Blair Witch Project, Cloverfield ou plus récemment de Paranormal Activity, [REC] est un film de zombies terrifiant qui reprend un petit peu à son compte la dimension sociale chère à Romero. Dans ces immeubles, les habitants se connaissent mais s'ignorent. Cette vieille femme monstrueusement estropiée crie en réalité sa tristesse et sa solitude. À l'heure où l'Espagne voit sa situation économique se détériorer et son chômage atteindre des sommets, l'horreur s'invite jusque dans les endroits les plus familiers. Ce lieu, c'est celui du quotidien. On pourrait effectuer la même analogie avec la mise en quarantaine. Compte tenu des coupes budgétaires drastiques qu'elle doit subir, l'Espagne fait l'effet d'un pays sous quarantaine, un pays sinistré où l'espoir tend à disparaître. Pas étonnant, donc, de voir la figure de l'état, ici représenté par le policier, se faire éviscérer en premier. En choisissant de mettre en scène leur film comme un documentaire, les réalisateurs Plaza et Balaguero illustrent la construction du scoop. Ils donnent ainsi implicitement une image de notre société de l'immédiateté, où les technologies prennent le pas sur la réalité. Nous ne scrutons le monde que par l'intermédiaire des médias, qui eux-mêmes mettent en scène l'information pour la rendre attirante et attrayante. Plutôt que de ressentir les choses par eux-mêmes, les téléspectateurs préfèrent vivre le monde par procuration pour se prémunir contre la violence qu'il cache. Mais cette intermédiation de la caméra, disent Plaza et Balaguero, ne suffit pas à nous protéger du monde. Avec ses zombies terrifiants et cette fameuse caméra qui ne cadre jamais l'envers du décor, qui laisse toujours un hors-champ angoissant, [REC] est un petit bijou du genre à ne pas manquer.
À noter que le nom de l'émission Pendant que vous dormez (en espagnol, "Mientras que duermes") est un clin d'œil au titre d'un film de Jaume Balaguero qui sortira quelques années plus tard : Malveillance (en version originale : Mientras que duermes).
Dans le même genre et du même réalisateur : [REC] ², 2009 ; [REC]³ Génesis, 2012
Planète Terreur, de Robert Rodriguez
Le lieutenant Aldoon et son escouade se rendent dans une base militaire pour conclure une transaction avec un scientifique nommé Abby. Celui-ci doit leur fournir l'agent chimique DC2, nom de code "Project terror". Furieux d'apprendre que le scientifique conserve des barils du produit pour sa réserve personnelle, Aldoon le prend en otage. Mais l'affrontement dégénère et Abby libère du gaz toxique dans l'air. Au même moment, deux médecins s'aperçoivent que leurs patients présentent des infections gangréneuses inquiétantes…
Avec Planète terreur, le réalisateur Robert Rodriguez perpétue son univers sombre et déjanté. Chaque séquence est l'occasion pour lui de démontrer son savoir faire de faiseur de séries B haut de gamme. Non content de rendre un hommage vibrant aux cinéastes de l'horreur (Romero, Fulci, etc.), il fait revivre le cinéma bis de la plus belle des manières. Souvent répugnantes et drôles, les scènes macabres ne manquent pas. Tour à tour hilarant, sexy et même parfois poétique, Planète terreur distille une bonne humeur enfantine bienvenue. La réussite de ce divertissement explosif repose pour beaucoup sur le charisme de ses héroïnes. Attention toutefois, n'attendez pas de ce cocktail fourre-tout une quelconque métaphore pour dépeindre la société : dans ce canular, tout est décérébré. Ne restent plus, pour donner un souffle à ce déluge d'hémoglobine et de chairs putréfiées, que les motos rutilantes et les pinups si chères au petit monde de Robert Rodriguez. Mention spéciale pour le rôle du grand Quentin Tarantino.
Bienvenue à Zombieland, de Ruben Fleischer
À la suite de la mutation du virus de la vache folle, les États-Unis sont contaminés de part en part et l'ensemble de la population se transforme petit à petit en zombies. Colombus et Tallahassee, deux survivants que tout sépare, traversent le pays et doivent affronter les zombies qui se présentent sur leur passage. Sur la route, ils font la rencontre de deux jeunes filles : Wichita et Little Rock. Le groupe décide bientôt rejoindre un parc d'attraction situé sur la côte Est…
À la fois drôle et sombre, Bienvenue à Zombieland est un road movie mâtinée de comédie sur fond d'invasion de zombies. Dans cette farce macabre ponctuée de gags sanglants, on est loin de la parabole politique mise en place par Georges A. Romero. La réunion improbable de Woody Harrelson et de Jesse Eisenberg (The Social Network) fait des merveilles. Le réalisateur Ruben Fleischer et son équipe foisonnent d'idées plus délirantes les unes que les autres. On passe en un clin d'œil du teenage movie à l'horreur d'une séquence à l'autre. Souvent drôle, parfois stupéfiant, ce Bienvenue à zombieland est un divertissement haut de gamme qui ravira les aficionados des films de zombies. Mention spéciale pour l'apparition du génial Bill Murray, toujours aussi drôle et cynique.
Dans le même genre : Shaun of the Dead, d'Edgar Wright, 2004
Mais aussi…
- Night of the Ghouls, d'Ed Wood, 1959
- Le cadavre qui tue, de Sidney J. Furie, 1961
- L'invasion des morts-vivants, de John Gilling, 1966
- La nuit des morts vivants, de Georges A. Romero, 1968
- Le massacre des morts-vivants, de Jorge Grau, 1974
- L'avion de l'apocalypse, d'Umberto Lenzi, 1980
- L'Abîme des morts vivants, de Jesus Franco, 1981
- L'Au-delà, de Lucio Fulci, 1981
- Creepshow, de Georges A. Romero, 1982
- L'Emprise des ténèbres, de Wes Craven, 1988
- La Nuit des morts vivants, de Tom Savini, 1990
- Deux yeux maléfiques, de Georges A. Romero & Dario Argento, 1990
- 28 jours plus tard, de Danny Boyle, 2002
- Beyond Re-Animator, de Brian Yuzna, 2003
- Diary of the dead, de Georges A. Romero, 2007
- Day of the dead, de Steve Miner, 2008