Le gardon dans notre histoire et notre culture
Histoire du gardon
On dit "frais comme un gardon", et c'est très approprié. L'aspect vif du gardon qui frétille au bout de la ligne, associé à sa robe brillante, évoque effectivement cette fraîcheur.
Il était autrefois couramment consommé en friture, mais ladite friture, que ce soit de gardons, d'ablettes ou de perchettes, est de plus en plus rare sur les tables françaises, aussi bien à la maison qu'au restaurant. Les temps changent, et les petits poissons d'eau douce sont maintenant moins pêchés et moins consommés.
Aujourd'hui, la France n'est plus rurale, et si tout le monde a déjà entendu parler du gardon, quel pourcentage de la population saurait l'identifier ? Certainement une petite minorité.
Étymologie
On n'est pas sûr de l'étymologie du nom commun. Certains pensent que c'est en rapport avec la rivière Gard, également appelé Gardon, tout comme la plupart de ses affluents.
Pour le nom scientifique, Rutilus rutilus, c'est plus simple, c'est le mot latin pour la couleur rouge, en référence aux nageoires éclatantes du gardon, bien qu'elles soient plutôt oranges.
La plupart des autres noms vernaculaires du gardon font d'ailleurs référence à la couleur des nageoires, et le nom commun espagnol est directement issu du latin, el rutilo.
Les homonymes
Gardon peut aussi désigner un instrument à cordes hongrois.
Les synonymes
Une multitude, que j'hésite à rappeler car ils entretiennent la confusion avec d'autres espèces de cyprinidés, étant parfois employés aussi bien pour le gardon que pour le rotengle, voire l'ide. Rappelons tout de même les plus fréquents, tels rousse, rousseau, et roche pour le nord de la France, terme à rapprocher de l'anglais roach, qui désigne le gardon.
Où rencontrer des gardons ?
Partout en France, et dans presque tous les types d'eau. Seuls les rivières et ruisseaux très oxygénés comme les torrents n'abritent pas de gardons, ce sont les domaines des salmonidés, comme la truite. Pour le reste, dans n'importe quel étang, mare, ou partie moyenne de rivière, on trouve ce joli petit poisson. Il se rencontre par ailleurs dans presque toute l'Europe et jusqu'au Turkménistan à l'Est. Son aire de répartition est si vaste que certaines populations ont le statut de sous-espèce, par exemple celle de la mer caspienne, Rutilus rutilus caspicus.
La pêche du gardon
...ette pêche au coup est une technique à laquelle est associée l'image du pêcheur peinard qui somnole en tenant sa canne à la main.
Le gardon est regardant quant à la finesse de la ligne
C'est en fait une pêche précise et extrêmement délicate, qui demande d'utiliser un matériel léger et des fils fins. Le gardon a beau être commun, il n'en est pas moins très méfiant quand il s'agit d'avaler l'appât.
Lorsqu'on lui présente une ligne convenablement montée, on peut remplir une bourriche entière de ce sympathique poisson, mais lorsque le fil est trop gros, il ferme obstinément la bouche.
A l'inverse de la truite qui est très peureuse, mais peu regardante sur le diamètre du fil (contrairement à la légende) et garde longtemps l'appât dans la gueule. Le gardon, lui, s'approche assez facilement du pêcheur qui vient de lancer son amorce, mais il recrachera immédiatement l'appât s'il sent le piège. Le succès dépend donc de la ligne. On utilise en conséquence des nylons fins (pas plus de 8 centièmes pour le bas de ligne) et des hameçons petits et légers, de préférence fin de fer, numéro 20 à 22, voire 24 pour les appâts de petite taille. La ligne sera plombée pour permettre un équilibrage optimum du flotteur, cela veut dire que seule l'antenne de ce dernier doit dépasser à la surface, le flotteur devant disparaître à la moindre aspiration. Un ferrage immédiat doit répondre à la touche, avant que le gardon ne recrache l'appât.
Sur l'hameçon, on placera de préférence un ver de vase, en fait une larve de chironome, un aimant à poissons. Le célèbre asticot marche également, mais il est bien moins attractif que le ver de vase.
Il faut absolument amorcer pour regrouper les poissons et les rendre plus mordeurs, stimulés par l'effet de groupe et la compétition alimentaire. On jette ainsi des boules d'amorce sur le coup (la place qu'on a choisi pour pêcher), d'abord en arrivant sur le poste, puis avec régularité durant la pêche. L'amorce est en général constituée de farines diverses, avec une base de chapelure de pain. Il existe une multitude d'amorces déjà prêtes dans le commerce. C'est facile d'emploi, il faut juste les mouiller une fois à la pêche pour former une pâte de bonne consistance, permettant de faire des boules.
Les méthodes anciennes
La pêche au chènevis était très pratiquée autrefois, mais elle tend à disparaître, de moins en moins de pêcheur acceptant de consacrer plusieurs jours d'amorçage pour pêcher le gardon. Il faut en effet habituer le gardon à la graine de chènevis en amorçant le coup deux ou trois jours de suite. Le chènevis est un appât étonnant que les gardons adorent, mais qui est refusé par la plupart des autres cyprinidés. Du coup, on prend presque uniquement des gardons ainsi, dont beaucoup de spécimens de grande taille, qui semblent perdre leur méfiance devant cet appât. Quand on aura noté que chènevis est l'autre nom de la graine du chanvre on s'étonnera peut-être moins de cette singulière attirance...
Les techniques modernes
Elles sont arrivées dans les années 80-90 suite à l'engouement pour les méthodes anglaises.
Elles consistent dans l'utilisation d' un ensemble canne-moulinet pour pouvoir pêcher à des distances supérieures, ce qui peut s'avérer très utile, notamment dans certaines grandes rivières.
On peut utiliser des flotteurs de grande taille mais restant sensibles, notamment les modèles appelés wagglers, cette technique se dénommant simplement pêche à l'anglaise.
On peut également pêcher à fond, tout en gardant des fils extrêmement fins, en plaçant un petit ustensile au bout du scion qui permet de détecter la touche : le quiver-tip. C'est une excellente technique pour les gros cyprinidés, et pas seulement les gardons.
Notons que pour les gros gardons en rivière, en pêchant à l'anglaise, certains préfèrent amorcer à l'asticot pur. On envoie alors des asticots avec régularité à l'aide d'une fronde. Les poissons sont plus longs à se réunir, mais souvent en pleine frénésie alimentaire une fois qu'ils sont sur le poste.
C'est le poisson des débutants
Si vous amenez un enfant à la pêche à la recherche de son premier poisson, sachez que votre partie de pêche sera invariablement gâchée par des emmêlages, des accrochages et des impatiences. Sachez aussi que vous serez récompensé au centuple quand un petit gardon apparaîtra comme par magie au bout de la ligne de votre élève. Concentrez votre attention sur le visage de l'enfant au moment de la prise, vous y verrez le plus charmant des sourires que l'innocence et l'étonnement puissent vous offrir. Attention, aussitôt après cette première expérience la magie n'opérera plus, petit pêcheur devenu grand jouera les spécialistes blasés dès sa seconde capture...
Article réalisé par Arnaud Filleul et Jean-Pierre Fleury.