Famille esturgeon
Publié le - Mis à jour leMalgré leur aspect préhistorique, les esturgeons sont des poissons osseux
On croit souvent que les esturgeons, en raison de leur allure assez proche, sont apparentés aux requins, mais c'est une erreur. Il est vrai que requins et esturgeons présentent des caractéristiques communes comme la présence d'un squelette faiblement calcifié et d'une nageoire hétérocerque (un lobe dorsal beaucoup plus long que le lobe ventral).
Mais ces similarités ne proviennent pas d'une parenté proche. Les requins sont des poissons cartilagineux (le groupe des Chondrichthyens) alors que les esturgeons, malgré la faible calcification de leur squelette, appartiennent au groupe des poissons osseux (les Ostéichthyens), comme la majorité des poissons actuels.
Si les esturgeons possèdent un squelette cartilagineux, c'est qu'ils ont perdu secondairement leur calcification au cours de leur évolution. Leur ancêtre possédait, lui, un squelette bien ossifié et les esturgeons sont en conséquence classés parmi les poissons osseux.
Parmi les poissons osseux, les esturgeons forment, avec leurs cousines les spatules, le groupe des Acipensériformes. Leur anatomie présente de nombreux caractères primitifs. Ainsi, la queue des esturgeons et des spatules est pratiquement identique à celle des poissons qui vivaient voici 300 millions d'années.
Les esturgeons forment la famille des Acipenséridés et les deux espèces de spatules celle des Polyodontidés.
On peut reconnaître un esturgeon à la forme de son corps. Sa tête adaptée à la capture des proies benthiques est munie d'une bouche protractile. Il a quatre barbillons disposés en ligne et, 5 rangées de scutelles caractéristiques de l'espèce (1 sur le dos et 2 sur chaque flanc). Les esturgeons n'ont pas de dents à l'âge adulte.
La famille comprend 24 espèces réparties en 4 genres. Il existe des fossiles apparentés aux esturgeons et âgés de 190 millions d'années. Si leur anatomie générale évoque celle de poissons connus seulement à l'état fossile et d'aspect primitif, certains points de leur anatomie sont, au contraire, très spécialisés. Par exemple, l'anatomie de la tête et les scutelles sont des caractères évolués propres aux Acipenséridés. Les Polyodontidés, quant à eux, se reconnaissent à leur rostre gigantesque et effectivement spatulé, structure complexe composé de très nombreux os en étoile entremêlés.
Biologie différente
La biologie des deux familles est différente. Les esturgeons sont pour la plupart anadromes. C'est-à-dire qu'ils se nourrissent en mer mais viennent se reproduire en eau douce. En mer, les esturgeons vivent près des côtes et consomment essentiellement des poissons, des mollusques, des crustacés et des polychètes (vers). Les spatules, au contraire, sont des animaux d'eau douce, bien qu'elles effectuent aussi des mouvements migratoires au sein de leur rivière. Psephurus gladius, la spatule chinoise, possède une bouche protractile et se nourrit de poissons alors que Polyodon spatula, la spatule américaine du bassin du Mississipi, a une immense bouche non protractile qui lui sert à capturer le plancton dont elle se nourrit. L'animal avance dans l'eau la gueule grande ouverte pour capturer les organismes planctoniques.
Tous ces animaux vivent très vieux et les âges maximaux recensés dépassent les cent ans pour la plupart des espèces. Un spécimen d'esturgeon jaune (Acipenser fulvescens) aurait même atteint 152 ans.
Différentes espèces d’esturgeons
L'esturgeon commun (acipenser sturio)
L'esturgeon commun est le seul esturgeon présent naturellement en France.
L'esturgeon blanc (Acipenser transmontanus)
Ce gigantesque poisson se reconnaît à son museau plus large et moins aplati que celui des autres espèces d'esturgeons. Le dos est bleu-gris, parsemé de tâches blanches, les flancs sont argentés et le ventre blanchâtre. Des rangées complètes de scutelles sont présentes sur le dos, les flancs et l'abdomen. L'esturgeon blanc se distingue aussi par deux rangées de scutelles abdominales supplémentaire entre les nageoires pelviennes et anales.
L'esturgeon blanc se rencontre en mer, en général près des côtes, et dans les rivières de grande taille du continent Nord-américain. Il est essentiellement benthique (sur le fond). Il se nourrit en fouillant activement le fond à l'aide de sa bouche infère. Il aspire les graviers ou le sable, ingère les poissons qui s'y trouvent et rejettent les parties non consommables. Les poissons plats, les lamproies et même les petits esturgeons font partie des proies recensées.
Bien qu'il passe l'essentiel de sa vie en mer, il remonte très loin dans les terres pour la reproduction. La ponte a lieu au printemps, en amont des rivières, sur des zones rocailleuses à courant rapide, parfois des chutes. Les adultes ne meurent pas après la fraie et se reproduisent plus d'une fois, mais à des intervalles de temps qui augmentent avec l'âge. Les grosses femelles peuvent déposer 4 millions d'oeufs. Ces derniers sont bruns et ils adhèrent au substrat ou aux obstacles une fois libérés.
Les jeunes esturgeons blancs se nourrissent d'abord en eau douce, essentiellement de chironomidés (insectes et larves d'insectes ressemblant aux moustiques), puis ils migrent vers la mer où ils consomment des mollusques et des crustacés avant d'adopter un régime essentiellement piscivore.
Ce poisson vit très vieux, jusqu'à 104 ans, et atteint des tailles énormes. La taille maximale recensée est de 6,10 mètres et le poids maximal est 816 kilogrammes. En ce qui concerne la pêche sportive, c'est un très bon combattant qui nécessite l'emploi d'un matériel robuste, digne des grands scombridés (carangue). Certains pêcheurs ne jurent que par cette espèce gigantesque. On utilisera un appât qui reposera sur le fond, en général un poisson entier. L'alose et les lamproies sont des esches excellentes, elles seront maintenues sur le fond par un plomb pyramidal de poids suffisant pour résister au courant. Le pied des barrages et des chutes sont généralement de bons endroits.
Notons que l'esturgeon blanc a été introduit dans certains étangs privés de pêche sportive, en France.
Taille maximale : 6,10 m
Taille courante de capture : 2-3 m
Poids maximal : 816 kg
L'esturgeon sibérien (Acipenser baerii)
Il s'agit d'une petite espèce à la coloration brune, assez foncée. Le museau est assez long, plus ou moins massif selon les populations. Une légère protubérance est souvent visible à son extrémité. La lèvre inférieure est échancrée médianement. Cinq rangées de scutelles parcourent le dos, les flancs et chaque côté de l'abdomen. Comme chez les autres esturgeons, 4 barbillons s'insèrent sur la partie ventrale du museau, la nageoire dorsale est fortement hétérocerque, et les nageoires dorsales, pelviennes et anales sont en position reculée.
L'esturgeon sibérien n'est pas une espèce migratrice, on la rencontre en eau douce, occasionnellement en eau saumâtre.
Il a été très largement introduit en Europe, souvent dans les étangs où il s'acclimate très bien. Ce petit esturgeon se nourrit sur le fond où il aspire sa nourriture grâce à sa bouche protractile. Il consomme majoritairement des invertébrés, comme des larves d'insectes, des mollusques et des annélides. Il peut aussi s'attaquer aux oeufs et larves de poissons.
La ponte a lieu à la fin du printemps, les oeufs sont déposés sur le fond et ne sont pas gardés par les parents. Ils libèrent en quelques jours une larve qui se nourrira sur sa vésicule vitelline, puis commencera à se nourrir activement de petits crustacés et de larves d'insectes.
Comme tous les esturgeons, l'esturgeon sibérien vit longtemps et la maturité sexuelle est atteinte seulement entre 10 et 20 ans. La taille maximale est de 1,50 mètres.
Cette petite espèce ne demande pas l'emploi d'un matériel aussi puissant que ses cousins de grande taille. L'équipement du carpiste fera parfaitement l'affaire, l'action de pêche est d'ailleurs très similaire. On présentera sur le fond un morceau de poisson, un lombric, voire une bouillette. La défense de ce poisson est bonne.
Taille maximale : 1,50
Taille courante de capture : 40-80 cm
Poids maximal : 30 kg
Le béluga (Huso huso)
Attention ! Ne pas confondre l'esturgeon-béluga avec la baleine-béluga. Le premier est un poisson, le second, comme le narval est un cétacé.
Ce gigantesque poisson présente une robe bleu-grisâtre qui s'éclaircit sur les flancs pour devenir blanchâtre sur le ventre. Le museau est de longueur modérée, mais pointu et dirigé vers le haut. La lèvre inférieure est échancrée médianement. Les barbillons sont aplatis et ovales, ils atteignent pratiquement la bouche. Contrairement aux espèces du genre Acipenser, le genre Huso a une bouche qui bien qu'étant ventrale est dirigée vers l'avant. Le corps est massif et présente cinq rangées de scutelles réparties sur le dos (de 11 à 14), les flancs (de 41 à 52) et de chaque côté de l'abdomen (de 9 à 11). Comme chez tous les Acipenséridés, la nageoire caudale est nettement hétérocerque.
C'est un poisson migrateur anadrome, cela signifie qu'il effectue sa phase de croissance en mer où on le rencontre en général près des côtes et sur le fond, et sa phase de reproduction en rivière où il adopte également une vie benthique.
Il se nourrit principalement de poissons, comme des gobies ou des poissons plats en mer et beaucoup de Cyprinidés en eau douce, mais une grande variété de proies peut être consommée. C'est ainsi que, dans les contenus stomacaux, on trouve des crustacés, des annélides, des larves d'insectes et des mollusques.
Les bélugas entrent dans les rivières pour se reproduire à partir de mars, avec un pic migratoire entre avril et mai. Les femelles ne se reproduisent que tous les 5 ans, ce qui est très peu si l'on considère la pression de pêche sur ce poisson. C'est surtout la reproduction artificielle qui assure la survie de l'espèce.
Il n'y a pas de soins parentaux, les oeufs sont directement libérés sur le fond et adhèrent au substrat. Après l'éclosion et la résorption de la vésicule vitelline, le juvénile se nourrit de petits crustacés puis de larves d'insectes.
Le béluga atteint assurément 5 mètres mais des spécimens de 6 mètres ont été reportés par le passé. Il peut dépasser le poids de 2 tonnes et vit très longtemps, l'âge maximal reporté est de 100 ans. Cet énorme poisson attirait les pêcheurs du monde entier, mais sa pêche est maintenant interdite.
Taille maximale : 6 m
Taille courante de capture : 2-3 m
Poids maximal : 2 tonnes
Le sévruga (acipenser stellatus)
C'est un petit esturgeon, 1,50 m pour 25 kg. Présent partout dans la Caspienne, son nom est souvent, à tord, associé à un caviar venu d'Iran.
L'osciètre - (Acipenser gueldenstaedti et Acipenser persicus)
C'est un esturgeon de taille moyenne (1,5 m à 2 m, pour 80 à 150 kg), qui n'est présent qu'en mer Noire, d'Azov et Caspienne. D'excellents osciètres proviennent maintenant de l'élevage (Israël, Chine, Bulgarie...). C'est un poisson anadrome. Il se nourrit d'invertébrés et de petits poissons.
Le sterlet (acipenser ruthenus)
Il fréquente les eaux froides européennes jusqu'en Sibérie aussi bien que la mer Noire et la mer Caspienne. C'est un poisson qui remonte les fleuves à une distance plus grande de la mer que les autres esturgeons. Il est signalé dans le Danube jusqu'à Vienne.
Il se distingue par la présence d'un grand nombre de petites plaques osseuses étoilées incluses dans la peau qui forment 5 crêtes longitudinales blanches (2 sur les flancs, 2 sur le ventre et 1 sur le dos). La coloration varie du brun au gris, ou au beige.
Le Sterlet peut peser jusqu'à 16 kg et mesurer 100 à 125 cm.
Il peut vivre 25 ans (parfois plus en captivité, c'est un poisson apprécié des aquariophiles).
Il donne un caviar de qualité moyenne.
Article réalisé par Arnaud Filleul et Jean-Pierre Fleury.