C'est quoi, un film de guerre ?
Jalonnant de part en part l'ensemble de l'histoire du cinéma, les films de guerre mettent souvent en scène le sacrifice consenti par les combattants (cf. Mémoires de nos pères, Lettres d'Iwo-Jima), mais également la perte de l'innocence (cf. Full Metal Jacket, Voyage au bout de l'enfer et plus récemment Jarhead).
Parmi les thématiques récurrentes, on note en outre la présence de nombreux pamphlets antimilitaristes, au sein desquels on retiendra notamment M.A.S.H., La Honte ou encore Les Sentiers de la Gloire. À l'inverse, la propagande militaire s'inscrit dans quelques longs métrages comme Top Gun ou encore Pearl Harbor.
Pour les passionnés d'histoire ou tout simplement pour les aficionados du genre, voici notre sélection des meilleurs films de guerre de l'histoire du cinéma.
Mémoires de nos pères, de Clint Eastwood
Japon, 1945. Voilà cinq jours que la bataille d'Iwo-Jima bat son plein entre les américains et les japonais. Alors que les alliés viennent de reprendre le contrôle du Mont Suribachi, cinq Marines et un infirmier de la Navy hissent de concert le drapeau américain au sommet. Un photographe est sur place et immortalise l'instant. En l'espace de quelques-jours, la photographie va faire le tour du monde et redonner espoir au peuple américain. Profitant du moment, l'armée livre bientôt ses "porte-drapeaux" à la contemplation des foules…
Comme dans Impitoyable ou encore Mystic River, Clint Eastwood interroge une nouvelle fois la mémoire de l'Amérique. Le cinéaste tente ainsi de recoudre l'histoire déchirée de son pays et d'en éclairer les zones d'ombre. Tout le développement du film tourne autour du cliché de Rosenthal et trois strates de temps différentes sont mises en scène : le présent, le champ de bataille à Iwo Jima et la tournée publicitaire destinée à faire acheter aux américains des bons de guerre. Les scènes de combat sont d'un réalisme saisissant. Encore un grand chef d'œuvre signé Eastwood.
À noter que Lettres d'Iwo-Jima, également réalisé par Clint Eastwood, vient compléter Mémoires de nos pères. Mais l'histoire se déroule cette fois-ci du côté japonais.
A partir de 12 ans.
La Ligne Rouge, de Terrence Malick
Guadalcanal, 1942. Au cœur d'une île paradisiaque se déroulent des affrontements entre américains et japonais d'une violence sans pareille. Pour raconter l'horreur des combats du côté américain, des voix s'entrecroisent, où se mêlent les secrets, les prières et les pleurs.
La Ligne Rouge est à la fois un film important parmi les longs métrages de guerre, mais aussi parce qu'il marqua le grand retour du réalisateur Terrence Malick au devant de la scène, après vingt ans d'absence (Les Moissons du Ciel, 1979). Adapté du roman de James Jones The Thin Red Line (1962), ce superbe long métrage saisit le spectateur à la gorge pour ne plus le relâcher. Un classique du genre magistralement mis en scène.
A partir de 12 ans.
Outrages, de Brian de Palma
C'est l'été à New York et la chaleur est intenable. Dans le métro, un homme nommé Eriksson observe une jeune asiatique et se remémore soudainement les combats au Vietnam. Nous sommes en 1966 et les balles fusent sur l'escouade d'Eriksson. Bientôt, la radio est détruite et des soldats blessés sont évacués. En guise de représailles, le brutal sergent Meserve ordonne un raid punitif sur un village vietnamien et enlève une jeune femme.
Magnifiquement mis en scène par Brian de Palma, Outrages pointe du doigt les transformations de l'être humain induites par l'horreur de la guerre. Rarement l'acteur Michael J. Fox aura été aussi crédible dans un rôle. Et que dire de l'excellente performance de Sean Penn. Mention spéciale à la musique, signée Enio Morricone.
A partir de 12 ans.
Dans le même genre et par le même réalisateur : Redacted, Brian de Palma, 2008
Full Metal jacket, de Stanley Kubrick
Alors que la guerre du Vietnam vient d'éclater, un sergent impitoyable entraîne un groupe de volontaires durant huit semaines à Parris Island dans le Dakota du Sud. Parmi ces soldats prochainement envoyés au front : "Guignol", "Blanche Neige", "Cowboy" et "Baleine". Écœuré par les humiliations incessantes que lui fait subir le sergent, "Baleine" sombre progressivement dans la démence. Bientôt, tous ces jeunes hommes angéliques connaîtront les atrocités de la guerre. Mais combien de temps survit l'innocence dans un monde gouvernée par la terreur ?
Trente ans après Les Sentiers de la Gloire et trente quatre ans après Fear and Desire, Stanley Kubrick signe son troisième film de guerre. L'idée n'est cette fois pas de souligner l'inégalité entre les différentes classes sociales et l'injustice inhérente au monde militaire, mais plutôt de montrer que la guerre anéantit la conscience des hommes, aussi lucides soient-ils. Ainsi, Kubrick ne croit pas l'être humain capable de résister ni au conditionnement militaire ni à l'impériosité des atrocités des champs de bataille. Comme toujours chez le cinéaste, la photographie est sensationnelle et la musique, très travaillée. Il s'agit tout bonnement de l'un des meilleurs films du genre.
À noter que le film est l'adaptation du roman Le Merdier (The Short Timers), de Gustav Hasford.
A partir de 12 ans.
Dans le même genre et du même réalisateur : Les Sentiers de la gloire, 1957
Apocalypse Now, de Francis Ford Coppola
Mal rasé, couvert de sueur et imbibé d'alcool, le capitaine Willard est allongé dans la pénombre de sa chambre, aux Etats-Unis. Assailli par des cauchemars préfigurant un monde au bord de la ruine, il est brusquement réveillé puis emmené auprès du général Corman et d'un agent de la CIA. On lui apprend bientôt qu'il doit partir immédiatement pour le Cambodge dans le but de neutraliser le colonel Kurtz, qui, retranché dans un temple avec son armée personnelle, mène une guerre pour son propre compte.
Porte étendard du mouvement du Nouvel Hollywood et symbole de toute une génération de pacifiste, Apocalypse Now offre une expérience métaphysique profonde et originale. Rarement un film de guerre aura fait preuve d'un tel modernisme dans son traitement visuel et narratif. L'introduction du film est sans aucun doute la plus réussie de toute l'histoire du cinéma. Si on ajoute à cela un morceau des Doors en ouverture, The End en l'occurrence, on obtient l'une des séquences les plus ingénieuses du septième art. Mention spéciale pour les prestations des acteurs Dennis Hopper et Marlon Brando, tout simplement géniales.
A partir de 12 ans.
Dans le même genre : Platoon, Oliver Stone, 1987
Voyage au Bout de l'Enfer, de Michael Cimino
Dans une petite ville de Pennsylvanie, Michael, Nick, Steven, Stan et Axel, cinq sidérurgistes, bravent jour après jour le danger des fourneaux d'une aciérie. Chaque soir, les cinq amis se retrouvent dans leur bar fétiche autour d'une boisson fraîche. Mais nous sommes en 1968 et l'Amérique est toujours en conflit avec le Vietnam. Michael, Nick et Steven sont bientôt appelés au combat. Physiquement et psychologiquement, les trois hommes vont être durablement marqués par les abominations de la guerre.
Épique, lyrique, contemplatif, les mots manquent pour qualifier ce chef d'œuvre signé Michael Cimino (à l'origine du film L'Année du Dragon, entre autres). Tout en allégories et doté d'une mise en scène époustouflante, Voyage au Bout de l'Enfer dégage une atmosphère mystérieuse et intense qu'il est difficile d'oublier. La question posée par le réalisateur : que reste-t-il de la puissance de cette Amérique tant glorifiée une fois confrontée à la réalité de la guerre ? A noter que le cinéaste avoua un jour que la séquence de la roulette russe n'était en réalité qu'une pure invention pour communiquer au public la tension et l'attente interminable qui suit un coup de feu.
A partir de 12 ans.
Dans le même genre : Les Nus et les Morts, Raoul Walsh, 1958
Johnny s'en va-t-en guerre, de Dalton Trumbo
Au cours de la première guerre mondiale, un jeune américain plein d'enthousiasme nommé Joe Bonham décide de partir pour le front. Victime d'un bombardement, il se réveille dans un lit d'hôpital. Alors qu'il tente de reprendre connaissance, il réalise bientôt qu'il ne possède plus aucun organe sensoriel et qu'aucun de ses membres ne répond à ses désirs. Il se remémore alors en songe son départ pour la guerre et sa dernière nuit avec sa bien-aimée.
Réalisé par l'écrivain, scénariste et réalisateur Dalton Trumbo d'après l'un de ses propres romans, Johnny s'en va-t’en guerre est un film d'une singularité inouïe. Du début à la fin, le spectateur est plongé dans la tête de Joe Bonham, dont il ne subsiste que le cerveau. Toutes les séquences mettant en scène la réalité ont été tournées en noir et blanc, tandis que les rêves sont en couleur (en découlent des passages surréalistes incroyables). Bien que jamais une seule image déplaisante ne soit révélée, la torture mentale du personnage principal est parfois difficile à supporter. Il s'agit d'un des plus virulents réquisitoires antimilitaristes de la littérature et du cinéma. Une œuvre bouleversante contre l'absurdité de toutes les guerres.
Le cinéaste surréaliste Luis Buñuel aurait participé à l'écriture du scénario. À noter enfin que le groupe Metallica s'est inspiré des pensées de Joe Bonham pour écrire sa chanson One.
M.A.S.H., de Robert Altman
Durant la guerre de Corée, les trois chirurgiens Hawkeye, Trapper et Duke intègrent la 4077ème antenne chirurgicale militaire en Corée. Réfractaires à toute forme d'autorité et férocement antimilitaristes, les trois hommes partagent avant toute chose le goût pour l'alcool et les femmes. Leur arrivée fait bientôt souffler un vent de folie séditieux dans l'hôpital de campagne.
Mis en scène par le célèbre Robert Altman, M.A.S.H. est une comédie satirique américaine tirée du roman Mash : A Novel About Three Army Doctors. Bravant les remontrances des plus grands studios de production hollywoodiens, le cinéaste parvenait en 1970 à réaliser la première comédie tournant à la dérision un sujet aussi sérieux que la guerre. Profondément pacifiste, antimilitariste et subversif, ce film offre des moments d'anthologie à mourir de rire. Les acteurs Donald Sutherland, Elliott Gould et Tom Skerritt s'en donnent visiblement à cœur joie. Un grand moment. de cinéma.
M.A.S.H. a reçu une palme d'or au Festival de Cannes en 1970.
La Honte, Ingmar Bergman
Dans un pays imaginaire, mais à une époque contemporaine, la guerre fait rage et les bombardements ne cessent de s'abattre sur les réfugiés, détruisant tout sur leur passage. A quelques kilomètres en marge de ces atrocités, se réveillent Jan et sa femme Eva, deux artistes musiciens d'orchestre. Lasses et coupables de vivre dans une telle indifférence, leurs sentiments l'un pour l'autre commencent à s'étioler.
Brillante variation sur le thème de la peur, La Honte se présente comme une sorte de cauchemar. C'est sans doute son apparente banalité qui le rend si terrifiant. "J'ai le sentiment de vivre le rêve d'un autre. Mais qu'adviendra-t-il lorsque cet autre se réveillera et ressentira de la honte ?", se demande Eva. C'est au travers de la culpabilité, de la douleur et de la peur que vont petit à petit se retrouver le couple. Sombre et beau à la fois, La Honte est l'un des plus beaux films d'Ingmar Bergman.
Rome ville ouverte, Roberto Rossellini
Trois jours de l'année 1944, à Rome. Giorgio Manfredi, un ingénieur communiste à la tête d'un réseau de résistant, prend la fuite juste au moment où des allemands s'apprêtaient à fouiller son immeuble. Il trouve refuge chez son ami Francesco, un typographe dont la fiancée le rapproche de Don Pietro, un curé en lien avec la résistance. Bientôt, l'amante de Manfredi va tous les trahir en les dénonçant un par un aux allemands.
Film fondateur (avec Sciuscia, de Vittorio De Sica) du néoréalisme italien, Rome Ville Ouverte étonne par sa facture quasi-documentaire. Le réalisateur Roberto Rossellini a pour ce faire volontairement utilisé une lumière intermittente pour tourner ses plans et a soumis leur durée aux quantités de pellicules normalement disponibles. En dépit de cette soumission à la saisie de la réalité, la narration est superbement construite. Avec Allemagne, année zéro, Rome ville ouverte constitue l'un des meilleurs films du maître italien Rossellini.
La Grande Illusion, Jean Renoir
Au cours de la guerre 1914-1918, l'officier de carrière De Boeldieu et le lieutenant Maréchal, sont à bord d'un avion derrière les lignes ennemies allemandes. Leur appareil est abattu et les deux hommes sont bientôt incarcérés dans un camp de prisonniers. Très vite adoptés par leurs compagnons de chambrée, les deux hommes n'ont plus qu'une seule idée en tête : s'évader par le tunnel qu'ils creusent chaque nuit. Alors que celui-ci vient d'être achevé, De Boeldieu et Maréchal sont transférés dans un autre camp…
Bénéficiant depuis 2011 d'une restauration numérique, La Grande Illusion est un des grands chefs d'œuvre du réalisateur Jean Renoir (avec La Règle du Jeu, 1939). Ni optimiste ni pessimiste, le réalisateur montre que les différences sont plus importantes entre classes sociales qu'entre les nations. En témoigne cette scène où deux officiers de cavalerie issus de l'aristocratie, l'un français, l'autre allemand, sympathisent malgré la guerre. Grand admirateur de Renoir, François Truffaut verra derrière La Grande Illusion l'illusion de croire que la guerre 1914-1918 était la dernière guerre.
Mais aussi…
- Beaufort, Joseph Cedar, 2007
- Jarhead, la fin de l'innocence, Sam Mendes, 2006
- Rescue Dawn, Werner Herzog, 2006
- Stalingrad, Jean-Jacques Annaud, 2001
- Il faut sauver le soldat Ryan, Steven Spielberg, 1998
- La Liste de Schindler, Steven Spielberg, 1993
- Au-delà de la gloire, Samuel Fuller, 1980
- Croix de fer, Sam Peckinpah, 1977
- Les Douze Salopards, Robert Aldrich, 1967
- Les carabiniers, Jean-Luc Godard, 1963
- Les cavaliers, John Ford, 1959
- Le pont de la rivière Kwaï, David Lean, 1957
- Les chemins de la gloire, Howard Hawks, 1936
- Charlot soldat, Charles Chaplin, 1918