Ça y est, 2012 c'est bientôt fini et l'on guette maintenant l'ouverture imminente des festivals 2013 (les Oscars, Sundance, Gerardmer…). Mais pour l'heure et tandis que se clôt une année riche en cinéma, le moment est venu pour nous de jeter un œil dans le rétroviseur, pour faire le bilan des films qui ont fait l'année 2012, en bien mais aussi en mal.
Tiens, en parlant de rétroviseur, vous vous souvenez peut-être de cette fameuse séquence dans laquelle un célèbre agent secret britannique se retrouve propulsé dans une course poursuite en plein cœur d'Istanbul ? Et quand tout à coup : crac, plus de rétroviseur. Vous l'aurez sans doute deviné, celle-ci n'est autre que la scène d'introduction du plus gros succès au box office français de l'année, Skyfall. Pour le moins réussi, ce nouveau volet de la saga James Bond – largement inspiré du dernier opus de la trilogie Batman de Chistopher Nolan, autre grand succès de l'année – sème en réalité des symboles tout au long de l'aventure. Parmi eux : le rétroviseur, regard vers le passé suranné qu'il est nécessaire de réduire à néant, d'une part pour éviter toute nostalgie, et surtout pour réinventer un James Bond plus que jamais dans l'ère du temps.
De notre côté, laissons le temps en suspens – juste avant que le rétroviseur ne se brise – pour parler des autres longs métrages qu'il ne fallait pas manquer cette année.
Des cartons…
Regrettable, se diront les cinéphiles les plus endurcis, de commencer ce petit tour d'horizon de la planète cinéma 2012 par des cash machines. Seulement voilà, dans un paysage où le poids de l'industrie occupe aujourd'hui plus qu'hier une place de marque et où les films à gros budgets sont depuis longtemps devenus un élément constitutif, difficile de botter en touche.
Outre l'impressionnant Skyfall, tenu d'une main de maître par le metteur en scène Sam Mendes, les grands vainqueurs se nomment cette année L'Âge de Glace 4 : La Dérive des Continents, Sur la piste du Marsupilami – preuve que le cinéma français réussit parfois à résister à l'assaut du cinéma américain –, le catastrophique La Vérité si je mens ! 3 ou encore The Dark Knight Rises.
De l'animation…
Exit les entrées en salles, revenons cette fois-ci à ce qui fait l'essence du vrai cinéma. Du côté de l'animation, ce sont comme souvent les Anglo-saxons et les Japonais, indétrônables, qui ont mené la danse - on attend avec impatience le retour de Sylvain Chomet en 2013 avec Attila Marcel -. Diamétralement opposés, les films Les Enfants Loups – qui nous fait dire que la relève d'Hayao Miyazaki n'est pas loin – et Les Pirates, bons à rien, mauvais en tout – dernière perle en pâte à modeler made in UK – sont des chefs d'œuvre du genre, pour petits et grands.
Des blockbusters…
Mais une année de cinéma ne serait pas du meilleur cru sans un blockbuster digne de ce nom. Pour 2012, les trois représentants du genre sont évidemment Avengers, du geek Joss Whedon, Batman The Dark Knight Rises, du génie Chistopher Nolan et Prometheus du vétéran de la SF Ridley Scott, qu'on ne présente plus. Trois superproductions d'acier qui démontrent chacune à leur façon que l'Entertainment peut offrir un divertissement de haute tenue. Une chose est sûre : l'économie du film de super-héros n'a jamais été aussi florissante.
Des retours fracassants…
Après le semi échec critique (et pourtant plus grand succès au box office de la carrière du bienfaiteur des freaks) de Alice aux pays des merveilles, on attendait Tim Burton le bigarré au tournant, en espérant même le voir rééditer ses éclats d'antan. Dark Shadows y parvient à moitié, et c'est déjà pas mal. Il permet entre autres de montrer que l'actrice Eva Green habite avec autant de virtuosité qu'une Hélena Bonham Carter l'univers Burtonien. Gageons que le réalisateur parvienne par la suite à transformer cet essai, son reboot en demi-teinte de Frankenweenie mis à part.
L'autre retour, que l'on guettait avec fébrilité, c'est celui d'Abel Ferrara, qui depuis ses mythiques The King of New York et autres Bad Lieutenant, était presque tombé dans l'oubli, et ce malgré quelques longs métrages remarquables. Avec Go Go Tales, le réalisateur renouvelle l'irrévérence qui faisait son identité. Pour ne pas trancher avec cet univers poisseux et libidineux, Ferrara a choisi d'accompagner son œuvre d'une Asia Argento plus insolente que jamais. Mais ce n'est pas tout : en 2012, le réalisateur découvert par un certain William Friedkin ne présentait pas un mais deux films en salles. Le second, film sur la fin du monde nommé 4h44 Dernier jour sur terre, s'est montré tout aussi renversant.
Des talents qui se confirment…
Jeff Nichols nous avait déjà largement impressionnés en 2007 avec son Shotgun Stories. Dans Take Shelter, un autre film sur la fin du monde, le réalisateur fait ressurgir avec brio via un drame psychologique et social quelques-uns des démons post 11 septembre qui collent à la peau de l'Amérique. Résultat : le cinéaste compte désormais parmi les plus grands espoirs du cinéma.
On savait que David Fincher était lui aussi un orfèvre du septième art. Voilà que celui-ci nous gratifie une nouvelle fois de son talent avec Millenium, les hommes qui n'aimaient pas les femmes dans un exercice de style froid et sombre à la manière d'un Zodiac.
Des expérimentations…
On reste dans le registre des exercices de style, cette fois-ci relevé d'une once d'expérimentation, avec Cosmopolis, de David Cronenberg, Holy Motors, de Leos Carax, Faust, d'Alexandre Sokourov, Tabou, de Miguel Gomes, In Another Country, de Hong Sang-Soo et Vous n'avez encore rien vu, d'Alain Resnais. Ces 6 chefs d'œuvre, preuves que le cinéma n'a en rien perdu de sa folie ni de son audace, sont en décalage complet avec la plupart des productions actuelles et c'est tant mieux.
Du neuf avec du vieux…
Du renouveau, il y en a eu aussi beaucoup en 2012. Non content d'avoir réinventé le film de vampires avec Morse en 2009, le réalisateur suédois Tomas Alfredson redessine avec La Taupe les contours du film d'espionnage avec une mise en scène hommage au cinéma des années 1970 (Alan J. Pakula, Sidney Lumet, Sidney Pollack, etc.). Un résultat saisissant et planant.
Ce renouveau, on le sent également avec Les Adieux à la Reine, véritable dépoussiérage du film d'époque où l'atmosphère pailletée du Marie Antoinette de Sofia Coppola se voit supplanter par la radicalité et la violence du réel.
Des réveils explosifs…
Après nous avoir transpercé avec Bug, et ainsi laissé imaginer que son cinéma retrouvait les lettres de noblesse de l'époque des French Connection et autres L'Exorciste, voilà que William Friedkin revient à la charge avec le fiévreux et sans pitié Killer Joe. Comme toujours, la morale Friedkienne remet en cause les lieux communs pour mieux dévoiler au grand jour les non-dits. Des acteurs édifiants, une intrigue simple et efficace. Et si William Friedkin était l'un des réalisateurs les plus brillants de l'histoire du cinéma ?
Des désenchantements…
Évidemment, une année cinéma ne serait pas grand-chose sans son lot de déceptions. Ces erreurs de parcours, elles arrivent d'ailleurs aussi aux plus grands : c'est le cas des faux pas To Rome with Love et La Part des anges, où Woody Allen et Ken Loach brillent par leur manque d'inspiration. On pourra par ailleurs douter du retour de Ridley Scott à la science-fiction, qui signe avec Prometheus un long métrage attachant, mais qui parvient difficilement à rentrer dans la généalogie d'Alien. Enfin, François Ozon a quant à lui manqué le coche avec le fade Dans la Maison, où le metteur en scène convoque Hitchcock et Kafka, mais patatras…
Des surprises…
Et les bonnes surprises là-dedans ? Alors que l'on imaginait a priori les classer dans la catégorie œuvre de seconde zone, les parodies horrifiques [REC 3] Genesis, de Paco Plaza, Tucker & Dale fightent le mal, d'Eli Craig, sans oublier la comédie grinçante Hasta la Vista, de Geoffrey Enthoven, se révèlent étonnantes voire même habitées. Quant à Cloclo, le biopic signé Florent Emilio Siri, sa beauté donnerait presque envie d'aimer un artiste ringard.
Des premiers films…
Parmi les nombreux premiers films à sortir en 2012, on soulignera d'une part la première incursion de Frédéric Beigbeder derrière la caméra pour adapter l'un des ses propres livres, L'Amour dure trois ans, de l'autre, le passage à la fiction de Rachid Djaïdani, avec le dissident Rengaine. Si le résultat du premier n'est pas sans défaut (loin de là), reste qu'il laisse espérer de belles choses pour l'écrivain-réalisateur. Quant au second, il montre que le cinéma indépendant français peut se révéler un véritable concentré d'inventivité et de fougue - à l'instar d'un Donoma. Enfin, le premier film de l'espagnol Juan Carlos Medina, Insensibles, prouve que le cinéma fantastique hispanique réussit mieux que quiconque à réveiller les démons du passé - ici la guerre d'Espagne.
Des génies parfois injustement vilipendés…
Couronné par une palme d'or à Cannes, le fameux Amour de Michael Haneke, foudroyant et bouleversant, laisse une marque indélébile. Mais un autre réalisateur, lui aussi doublement palmé d'or n'a pas bénéficié – avec le mésestimé Twixt, de la même exaltation : Francis Ford Coppola. Dommage, car il s'agit sans doute d'un des derniers grands maîtres du septième art à n'en faire qu'à sa tête (merci American Zoetrope), parfois pour le pire, mais cette fois-ci pour le meilleur. L'occasion de mettre en scène un Val Kilmer en déroute et une Elle Fanning au sommet.
Mais aussi… (en bonus)
Ces péripéties cinéphiliques 2012, on les doit aussi à quelques films notables tels que :
La Folie Almayer, Louise Wimmer, Bullhead, Cheval de Guerre, De rouille et d'os, Le Grand Soir, Moonrise Kingdom, The Day he Arrives, Un jour sans femmes, Les Chants du Mandrin, Guilty of Romance, Les Hauts de Hurlevent, The We & the I, Barbara, Camille Redouble, Ted, Looper, Into the Abyss, Despues de Lucia, Like Someone in Love, Les Invisibles…
Source : CBO Box Office